La dimension sociale de l’eucharistie

Je veux juste citer ici le texte de Pedro Arrupe qui fait echo à Olivier Clement :
Pendant longtemps, dans l’Eglise, nous avons été portés à négliger la dimension sociale de l’Eucharistie. Une foule de raisons historiques, culturelles, philosophiques, nous ont fait perdre de vue cette intelligence extrêmement sociale et organique qu’avaient de la foi les premiers chrétiens et les Pères de l’Eglise. On a souvent mis l’accent, trop exclusivement, sur la relation verticale qui existe entre Dieu et l’individu, et ceci, à son tour, a influencé notre interprétation de l’Eucharistie et de la Messe, des sacrements en général, de la nature et la vie de l’Eglise, et même de principaux dogmes de notre credo. De ce fait, nous avons été amenés à séparer l’enseignement théologique de l’Eglise de son enseignement social, d’où le divorce entre le service de la foi et la promotion de la justice. Les conséquences pratiques de ce divorce ne sont que trop évidentes, si nous regardons le monde autour de nous et les conditions de vie de tant de sociétés et de nations qui se disent chrétiennes.

C’est surtout dans notre génération et grâce, en grande partie, à l’impact de Vatican II que nous sommes en train de revenir à la vision plus ample et plus authentique de l’Eglise primitive. Nous recommençons à voir comment “le catholicisme est essentiellement social. Social, au sens le plus profond du terme : non pas seulement par ses applications dans le domaine des institutions naturelles, mais d’abord en lui-même, en son centre le plus mystérieux, dans l’essence de sa dogmatique (1)”. […] Il devrait être clair à présent que “l’action en faveur de la justice et la participation à la transformation du monde” est précisément et de ce fait “une dimension constitutive de la prédication de l’Evangile (2)”, de même que l’établissement d’une vraie communauté est une dimension constitutive de la fraction du pain.

Voilà un message authentiquement révolutionnaire. Nous connaissons la violence de son impact dans le monde romain, où surgirent et commencèrent à se répandre les premières communautés chrétiennes. Philon parle de “ce partage fraternel qui dépasse toute description (3)”, tandis que l’historien juif Flavius Josèphe mentionne le dédain des chrétiens pour les richesses et “leur merveilleux esprit communautaire”, ce qui voulait dire qu’ “il n’y a pas un seul pauvre parmi eux (4)”. Dans un autre passage bien connu, Tertullien raconte comment les païens d’Afrique s’exclamaient d’admiration à l’arrivée des premiers chrétiens : “Regardez comme ils s’aiment (5)”.

Est-ce trop que de croire que ce sont là des témoignages attendus par le monde aujourd’hui, ou d’espérer que nous autres chrétiens, serons capables de les lui porter ?

(1) Henri de Lubac, Catholicisme, Ed du Cerf ,Paris, 1965, p.9
(2) Synode des Evêques, La justice dans le monde, 1971, introduction
(3) Philon, Quod omnis probus liber sit, 84 ; 77
(4) Flavius Josèphe, La guerre des Juifs, 11 ; 8n ; 122
(5) Tertullien, Apologetica, 39

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